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Bonjour et bienvenue sur mon blog d'écriture Blurofwriter. Je m'appelle Eva, j'ai dix-huit ans et je suis passionnée d'écriture. J'ai mis pas mal de temps avant de me décider à créer un blog pour mon écrit, j'espère ne décevoir personne.

Je suis vraiment nulle pour me présenter, un peu comme si je ne me connaissais pas moi-même, vous voyez ? Enfin bon. J'espère que "Judikaël" vous plaira.

                                JUDIKAËL.

Une page blanche :

Swan River, c'est ici que j'ai grandi. À mon arrivée, Cora m'a fait remarquer que cela voulait dire « Rivière des Cygnes ». J'en ai eu froid dans le dos. Cora est l'une des autres petites filles avec qui je vis depuis bientôt six ans. River Swan n'est pas un orphelinat. Cette immense bâtisse, que l'on qualifie de manoir, abrite plus de deux cent enfants, la plupart ayant été enlevés à leur naissance, voire quelques années après, ce qui, de mon point de vue, est bien plus horrible. Certains enfants, bien plus jeunes que moi, se réveillent en pleine nuit, et s'égosillent presque en appelant leurs parents, parents qui ne viendront malheureusement jamais. Quelque part, je les envie. S'ils supplient leurs parents de venir les chercher durant la nuit, cela veut dire qu'ils rêvent d'eux. Moi, depuis que je suis arrivée ici à l'âge de six ans, mes parents n'ont jamais eu l'occasion de me rendre visite pendant mon sommeil. Comme si ces murs avaient avalé leur souvenir.

 

Personne ne sait où se trouve Swan River. Moi-même, je n'en ai aucune idée. N'allez pas penser qu'aucun enfant n'a essayé d'en savoir un peu plus, je m'y suis essayée à plusieurs reprises, mais, notre mère supérieure, que nous appelons tous Miss Grace, me répondait toujours : « Tu poses bien trop de questions, Judikaël. » Je n'insistais pas, de peur d'être punie.

 

À Swan River, filles et les garçons ne sont jamais mélangés. Le troisième et dernier étage du manoir appartient aux filles, le second au personnel ainsi qu'à Miss Grace, et le dernier aux garçons. Ici, l'âge va entre la naissance et douze ans. Lorsqu'un enfant va sur sa douzième année, il disparaît. Pour rien au monde Miss Grace et ses esclaves – c'est ainsi que nous appelons le personnel, ne nous laisseraient dire au revoir aux déserteurs. Eux aussi, je les envie. Où vont-ils ? Sont-ils enfin placés dans une famille bonne et aimante ? Sont-ils emmenés dans un autre manoir, avec des enfants de leur âge et plus ? À cela, je n'aurais de réponse que dans un mois, lorsque, moi aussi, j'aurais enfin douze ans.

 

Pour être plus claire, Swan River n'est définitivement pas un orphelinat. Nous ne recevons personne, nous n'avons pas le droit d'aller jouer dehors, et le rire est interdit. Le soir, lorsque nous, les filles, rejoignons notre dortoir, nous en profitons pour chuchoter entre nous. Nos conversations se résument souvent à des plans diaboliques pour supprimer Miss Grace, ou pour nous échapper. Évidemment, malgré l'audace que moi et certaines petites filles avons, nous ne tenterions jamais de mettre tous ces plans à exécution, par peur de ce que nous subirions comme punition.

 

Nous étions toutes amies. Par la qualification du mot « amies », je veux dire que nous nous étions toutes habituées les unes aux autres. Notre peur de cet endroit nous avait soudées. Chaque jour, tout recommençait : levé à six heures du matin, un morceau de pain et un verre de lait pour déjeuner, puis nous faisions le ménage de fond en comble dans le manoir, nous cousions des écharpes et des chaussettes afin que Miss Grace les vende, nous faisions la vaisselle, et l'après-midi, nous étudiions, toujours sous l'enseignement de Miss Grace. Un seul faux pas, et vous vous retrouviez au tableau, la main tendue avant d'être puni d'un coup de règle. Je mentirais si je vous disais être la plus sage de toutes les filles du manoir. Mes boucles blondes et mes yeux hazel ne suffisaient pas à lever toute sanction. Les esclaves ont hâte que je m'en aille, et le répètent souvent lorsqu'ils me punissent.

 

Parfois, il est si dur de rester enfermé sans voir le jour, que certains enfants font des crises de panique. En général, Miss Grace les enferme dans une pièce qu'elle appelle le « cachot », mais qui se révèle tout simplement être la cave, endroit où – aussi bien filles que garçon, nous ne voulions aller, si bien que, en dehors des enfants devenus presque fous à force d'enfermement, je suis l'une des seules à fréquenter le cachot régulièrement. J'y retrouve aussi Léo, mon « acolyte de punition » comme disent les esclaves. Léo et moi, nous nous sommes rencontrés alors que, de mon côté, j'étendais le linge des filles dehors, et lui, celui des garçons, seule opportunité pour sortir quelques minutes afin de respirer le grand air. Bizarrement, aucun enfant n'aimait aller étendre le linge dehors, comme s'ils étaient à présent effrayés par le dehors. Alors, Léo et moi faisions toujours en sorte de nous proposer afin de nous retrouver. Il est assez gentil, peu bavard, mais gentil. C'est un petit brun aux cheveux en bataille lui tombant quelque peu sur le visage.

Au moment où je vous parle, nous sommes, lui et moi, dans le cachot. Nous avions conclu un marché : dépasser les limites de la patience de Miss Grace et des esclaves afin de nous retrouver ensemble au cachot au moins deux fois par semaine. Nous leur faisions également croire que nous nous détestions, ils prenaient alors un malin plaisir à nous enfermer ensemble dans le cachot, n'ayant jamais découvert notre supercherie.

 

« Eh, Kaël ?

-Léo, je t'ai déjà dit de ne pas m'appeller Kaël. Ce diminutif n'est pas joli. Tu peux m'appeler Judy, c'est bien Judy, ou Jude, ou par mon prénom tout simpl...

-Demain, je fête mes douze ans. » Me coupe-t-il subitement.

 

J'abandonne au sol le caillou que je tenais dans ma main et avec lequel je m'amusais à dessiner sur le mur en pierre du cachot. Mon cœur rate un battement, mais je respire profondément et me retourne, le sourire aux lèvres.

 

« Alors, aujourd'hui sera notre grand jour. Je réplique avec un sourire plein de malice.

-Notre grand jour ? S'interroge Léo.

-Oui. C'est aujourd'hui que nous allons dépasser l'ultime limite de ce manoir.

-Tu ressembles peut-être au Paradis, mais tu nous auras fait vivre un enfer en terme de punition...Soupire mon ami.

-Tu te dégonfles ? Je demande sur un ton sec.

-Certainement pas !

-Alors, voici ce que nous allons faire : cette nuit, quand tout le monde sera endormi, nous sortirons tous les deux de notre dortoir et nous nous rejoindrons dans le hall principal pour sonner l'alarme. ».

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